Le Sphinx à son Etoile.

Un bel exemple de Fihavanana.

Darwin découvre en 1862, l’étoile de Madagasikara, flore endémique de l’île rouge, ayant su s’adapter aux aléas du système de reproduction que la nature lui impose. Hypothèse à part entière, cette fleur doit son existence et sa survie à un insecte surprenant, le sphinx à tête de mort, un papillon de nuit de grande envergure allant jusqu’à 15 cm, dont la particularité est d’avoir une trompe adaptée à la morphologie si particulière de la poche nectarine ou éperon de l’étoile, longue de 40 cm. Cette théorie darwinienne lui a valu, moqueries, médisances et biens d’autres noms d’oiseaux dont il se serait bien passé, venant d’éminents scientifiques très sceptiques. Laissé aux oubliettes, ce couple mythique, d’une extrême rareté : sphinx-étoile, revient au devant de la scène, en 1903, avec la « découverte » de Wallace, puis de Whittal et Hodges en 2007. Ces derniers confirment les découvertes et les conclusions de Darwin, en mettant sous les feux de la rampe, des spécimens de Sphingidés, doté d’une trompe de 20 cm à 40cm, dénommés à tort : Xanthopan morgani praedicta ou « papillon du diable ». Autrefois surnommé Désiré, il ne s’intéresse qu’à l’Angraecum sesquipedale, recensée en 2010 qui serait pollinisée, à défaut d’un papillon mythique, par une sauterelle pollinisatrice comme le Glomeremus orchidophilus, vivant « exclusivement, dit-on », sur l’île de La Réunion.

Pour l’histoire, la seule référence à ce papillon ou sa présence dans une maison, était signe de « mauvais augure », d’un malheur proche, d’un jour de deuil, etc. Cette diabolisation est due à son apparence, quoiqu’avec un peu d’imagination et de quelques rêveries, on peut se laisser à différentes lectures interprétatives de ses tâches thoraciques. De son nom scientifique commun, Sphinx Acherontia, il convoque à l’esprit humain, la mémoire de son existence, son appartenance au « fleuve des Enfers », plus connu sous le nom d’Achéron ou Styx, qui offre une passerelle nette assurant le transfert des ombres des morts vers un monde d’où l’on n’en revient jamais. Comme son nom sphinx l’indique, les scientifiques les plus téméraires, pensent qu’il est d’origine égyptienne ou africaine, mais comme la nature est fort généreuse, elle nous livre la vérité, certes pas toujours bonne à dire, car souvent et dans bien des cas, nous blesse dans nos plus obscurs retranchements. Ainsi, cet insecte mythique est originaire de Madagasikara, connue aussi sous le nom d’Ile africaine et peu reconnue sous l’appellation « Île d’Ophir de Salomon », au risque de « rager » les experts en la matière et de « froisser » une nouvelle fois encore les scientifiques actuels, les plus sceptiques. L’île-cœur du Gondwana, en forme d’isle rectangulaire, façonnée au gré des vents et des flots mugissants de l’océan Indien, est un concentré de spécimens rares, uniques au monde, enviée de tous et préservée au creuset d’une nature souveraine et d’une excentricité surprenante, indescriptible et époustouflante, mystérieuse et envoutante. En somme, le jardin d’Eden.

Mais, pour en revenir à notre couple charmant sphinx-étoile, tous deux endémiques à l’île, présente des spécificités morphologiques qui ne laisse aucune place à l’approximatif, tant les « sujets » sont véridiques et leurs pratiques sont fascinantes et curieuses. L’étoile est une orchidée sauvage, connue sous le nom d’étoile-orchidée de Bethlehem (peut-être est-ce un signe de son identité originelle ou simplement la marque de son pays d’origine) ou d’étoile-orchidée de Noël, cultivée par les jardiniers pour sa grande taille, une corolle blanche en forme d’étoile et son parfum enivrant embaume les nuits glaciales de l’hiver. Sans pareille, les fleurs pointent leur nez, après 10ans de sommeil profond. Plante annuelle, rare, les corolles aux formes très originales sont de couleur blanche, parfois un peu verdâtre et fleurit uniquement pendant la période hivernale. Son unique pollinisateur, adapté pour cette occasion, reste le papillon de nuit, Désiré. Véritable Roméo et Juliette de nos jardins et des forêts sauvages malagasy, leur romance continue de nous interpeller et d’attiser les débats les plus virulents, où la « bête » n’a d’œil et de préférences que pour la « belle », véritable « dame blanche » aux charmes si déroutants. Contes, légendes, mythes, les secrets sont biens gardés, mais les yeux ravis et attendris, se contentent d’un éveil émerveillé et les mains toujours pressées s’évertuent à tâcher avec de l’encre un bout de papier, comme la fait, la Société Française d’orchidophilie « il était une fois des fleurs si blanches qu'elles évoquaient l'hiver et la neige. Ces Blanches-Neiges n'étaient pourtant pas venues du froid, mais des pays chauds non loin de l'Afrique. Dans leur pays natal, elles avaient l'art d'émerveiller des papillons de nuit. Et pour les remercier de tant d'admiration à leur égard, elles offraient un délicieux nectar dont ils raffolaient. Ils repartaient alors comblés vers une autre fleur, transportant sur leur abdomen le pollen des Blanches-Neiges, pour que d'autres fleurs à robe blanche puissent naître encore. Ainsi se perpétuait au fil des siècles la « merveilleuse d'amour » entre les papillons de nuit et les fleurs blanches ». Cette description reflète le fameux dicton Fitia mifamaly mahatsara ny fihavanana ! (L’amitié réciproque raffermit la fraternité).

Bel exemple de la sagesse de la nature, la survie et la pérennité de l’étoile-orchidée dépend uniquement de la durée de vie du sphinx. C’est le principe même du fihavanana qui s’exprime par des indices de ce type, que nous, les êtres humains, n’arrivons plus à maintenir, dans nos relations face à l’Autre. Ni l’essence, ni la pratique n’a d’influence sur la vie si  difficile. Le  quotidien nous voile la face et nous maintient dans un monde illusoire, où la découverte demeure essentielle, un but à tenir, afin de garder constamment en soi, ce jardin secret d’une perpétuelle fragilité, où la nature s’exprime tel un exemple-type, parfait équilibre de vie, dans le respect de toutes les différences. L’histoire ne nous raconte pas si c’est l’étoile-orchidée qui s’est adaptée en fonction de la trompe du sphinx ou vice-et-versa, mais à l’évidence, nous constatons que ce couple harmonieux est une référence d’exemplarité et de tolérance. Cette belle leçon de vie mérite que chacun y prête une attention particulière.

 Shatia ANDRIAMANAMPISOA

02.04.2012

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