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La Presse et ses "presseurs" maladifs.

Hommage à la Journée de la Liberté de la Presse.

Le journalisme sur l’île rouge est un métier à haut risque, tout comme celui des pompiers qui affrontent des environnements hostiles (maisons en feu, aides aux victimes de cataclysmes naturels, etc.) ou encore, comme les forces armées qui luttent pour le maintient de l’ordre national et international. Le journaliste fait front aux vicissitudes du quotidien, aux vices de formes, aux injustices des décisions politiques et actions politisées. Il endosse plusieurs rôles : porte parole d’un peuple injustement puni, médiateur-intermédiaire par excellence entre le citoyen et les décideurs politiques, mais aussi et surtout, élément central dans la mise en application de décisions de politiciens peu scrupuleux, qui visent à démoraliser ou à convier à leurs causes, des hommes et des femmes malléables et faciles à duper avec des mots ciblés.

Le journaliste se doit d’être neutre de tout penchant, de toute subjectivité. La justice y trouve un appui certain dans ce qu’on appelle communément « Presse ». Depuis toujours, la Presse n’a jamais été totalement libre à Madagaskar (nom originel de l’île), puisqu’elle a en tout temps été influencée par les effluves du monde politique et orientée en fonction de cette dernière. Ceci ne veut pas dire que tous les journalistes sont des « suppôts » de ci ou de ça, mais que tous tendent à démontrer, par leurs critiques acerbes et autres dextérités, et à donner une vision du quotidien, vision d’un tout, que certains peuvent percevoir comme vérité absolue (journaux de politiciens ou quotidien/hebdo d’un parti politique).

 Le premier journal malagasy naît au temps où Madagaskar est encore un Etat monarchique souverain, libre et indépendant. Le journal officiel royal est entièrement écrit en malagasy, malgré le fait qu’il soit une idée britannique. En 1863 Ny gazety malagasy, vise tout particulièrement à mettre le peuple au courant des affaires de l’Etat, des décisions politiques du royaume, de convenir des prochaines réunions populaires et festivités, le programme des Kabary, etc.), puis en janvier 1866, un mensuel appelé Teny Soa (Bonne parole), paraît et vise tout particulièrement à la propagation du protestantisme dans toute l’île. En ce temps-là, la royauté s’évertuait à l’enrichissement de son royaume, en usant de diplomatie envers la politique économique interne et externe de l’île. Les ambassadeurs sont chargés de promouvoir la puissance de Madagaskar et d’assurer son rayonnement mondial, en signant des traités commerciaux avec l’Amérique devenue les Etats-Unis, les Etats européens comme le Royaume Uni (Angleterre), l’Espagne, l’Italie, le Portugal et bien sûr les Etats arabes et ceux d’Afrique du Nord. Les accords commerciaux avec la France s’avèrent dès les premiers temps très peu souhaités par la monarchie royale, puisque les intérêts de chacun semblent discordants et peu égalitaires. La France en désaccord avec les Anglais, principal répondant commercial de Madagaskar, refuse d’accorder un crédit à l’Identité de cette île comme Etat libre et indépendant, dirigé par une souveraineté royale ancestrale. Le déni d’identité collective s’installe dès ces premiers temps et conforte le dégoût des Français à l’égard d’un peuple pacifique.

Tandis que les Anglais s’empressent de développer leurs commerces sur les terres malagasy et propageant volontairement leur religion (protestantisme), la jalousie maladive de la France envers ces quelques concessions malagasy, entraîne une haine viscérale envers ces européens et la politique de développement de l’Etat malagasy. L’île rouge devient le terrain de guerres saintes, notamment entre les Anglais protestants défensifs (dignitaires religieux estimant que leur défaite aura un impact crucial sur leur foi, en raison des croyances de l’ennemi et de la nature sacrée des lieux occupés) et les Français catholiques offensifs (s’acharnent à convertir, chasser et anéantir toute opposition à leur croyance, tous considèrent la rébellion comme ennemi religieux). De cette guerre des religions naîtra des groupuscules français (groupements communautaires religieux ultra-politisés) qui se dispersent dans toute l’île pour propager le catholicisme et enclencher le début de la pacification par contamination (principe colonial de la « tâche d’huile »). Ces guerres d’usure et d’imposition religieuse sont dorénavant uniquement d’ordre économique et géopolitique : la France doit s’assurer du maintient de son rayonnement mondial et de fixer à jamais sa base stratégique dans l’Océan Indien, en maintenant en joug Madagaskar. Les guerres franco-malagasy commence dès 1868 avec la signature d’une autorisation royale de s’établir là où bon leur semble afin d’effectuer des opérations commerciales. La concurrence imposée par la monarchie entre les affaires de l’Angleterre et celles de la France encourage cette dernière à lancer progressivement, voire insidieusement l’Occupation de cette île et de toutes ses richesses.

La technique française reste assez simple : comme les missionnaires catholiques sont déjà en place dans toutes les régions de l’île et qu’ils ont acquis une certaine « notoriété » auprès des habitants de la côte, la propagation des leitmotivs et du lavage de cerveau, tient un rôle important dans le monde de l’enseignement et de la santé. Les propagandes françaises suivaient chaque « pion religieux » dans tout leur déplacement. Le Teny Soa contaminé se propage comme une traînée de poudre, tout comme le Ny Mpamangy (le visiteur) et le Mpanolotsaina (le conseiller), deux périodiques protestantes en malagasy ou encore le Ny Resaka (la parole) de la mission catholique. Militantisme et communautarisme sont deux principes imposés et appris par les populations de ces contrées de l’île. Cependant, alors que les guerres religieuses font rages et les pertes humaines s’amoncèlent chez les peuples côtières, un accord secret est signé entre la France et les Anglais, mettant fin à l’Etat malagasy, en 1896 par son annexion à la France. Ranavalona III, dernière reine fut destituée, raflée, violée, torturée et déportée sur l’île de la Réunion avant d’être envoyée en déportation à Alger, lieu de tous les sévices où elle trouva la mort.

Madagaskar devient Madagascar sous la colonisation française. L’Administration coloniale prend les rennes du pouvoir et impose le français comme unique langue officielle-nationale à Madagascar et lance des hebdomadaires entièrement en teny-baiko (français) : Progrès de l’Imerina, Le Courrier de Madagascar, La France Orientale, Le Madagascar, La Cloche, Le Clairon, L’Avenir, etc. D’autres périodiques sont en langue anglaise : Madagascar Times, Madagascar World, Madagascar News. Ces journaux très politisés, rendent compte de la main mise française sur les intérêts et profits de Madagaskar. Ils convient le plus souvent au maintient des discordes religieuses et économicopolitiques entre la France et l’Angleterre. La lutte s’articule autour, des moyens d’accessions aux richesses du sous-sol malagasy par les colonisateurs français et de la dureté de la vie du forçat malagasy. De la sorte, ils sont à l’origine des regains de Nationalisme et sources de rebellions populaires contre l’envahisseur esclavagisant.

La gauche socialiste au pouvoir à Madagascar, l’arme s’aiguise avec l’encre, le stylo et la feuille, le journal devient un moyen de dissuasion complexe et efficace, moyen de lutte et d’anéantissement d’Autrui. Depuis l’Administration coloniale, la Presse écrite devient l’unique moyen d’expression entre les divers aspects d’un même puzzle. Le Ny gazety malagasy insuffle alors aux Malagasy, des idées révolutionnaires et anticoloniales, qui pourtant seront savamment réprimées par l’Administration coloniale française. La plupart des journaux (hebdomadaires ou mensuels) disparaîtront au fur et à mesure que la colonisation perdure sur l’île de Madagascar. Les révolutions sanglantes des Menalamba et génocides de 1947, confirment le souhait populaire d’un retour à l’indépendance de leur pays par une Libération de leur royaume. En 1956-58, la France gaulliste-gauchiste décide d’accorder à Madagascar un semblant de liberté, par l’octroi d’une indépendance et l’obligation de se soumettre à une autorité pré-désignée, en la personne de Tsiranana sous la 1ère République. Cet ordre s’accomplit en juin 1960, date de l’indépendance de Madagascar.

L’Administration coloniale française ayant laissé pour héritage aux Malagasy la haine pour son semblable, le « diviser pour régner » devient un principe fédérateur et motivateur de crimes contre l’humanité, d’exactions et de génocides, durant toutes les Républiques que connu Madagascar. De 1960 au génocide de 1972, l’île vit un bilinguisme avéré, français-malgache devenu sur le long terme, français-malagasy, en grande partie à cause de fervents Français malgachisants, qui s’octroient le droit de transformer à leur guise la langue originelle malagasy. La 1ère République est bicolore, sa langue nationale en est de même : français et malagasy, alors que sa monnaie demeure le Franc malagasy (FMG) devenu actuellement l’Ariary (Ar). Ces changements sont visibles sur les « feuilles de chou » comme on les appelle souvent et travaillent les mémoires, tant visuelles qu’auditives, à accepter comme « allant de soi », ces « nouveautés » contraignantes et controversées, sources de mésententes, de crises sociopolitiques et socio-économiques graves et de sanglantes guerres civiles. Notons que malgré certains « ragots » de la Presse écrite ou télévisée, commandités et travestis par certains partis politiques en place, Madagaskar n’a jamais connu de période de tribalisme, source d’extinction d’une race, d’un peuple, d’une civilisation.

L’indépendance octroyée dynamise les politiciens socialistes et démocrates, et oriente la Presse dans une voie qui ne lui sert pas. Elle est volontairement détournée de son but initial, ce qui lui vaut d’être mise au bûcher et qu’on lui impute des méfaits tels que les journalistes, auteurs d’articles disons « à sensations » (ou « Scoop ») sont des cibles privilégiés des personnages politiques détenteurs du pouvoir. La politique tient les rennes de la Presse, lui imposant le respect par le silence ou la soumission aux « dire parce que » ou « à cause de ». Les publications sont minutieusement vérifiées et corrigées, sous peine d’interdits de publications et/ou de dissolution d’existence. Ainsi, les journaux qui subsistent sont des officiels « tenus en laisse » comme Madagasikara Mahaleotena, Ny Marina, La République, ou encore ceux dits « d’opposition » qui font « bonne figure » comme : Sahy, Imongo Vaovao, Maresaka, Basy Vava, Fandrosoana, Antson’ny Nosy, etc, histoire de « donner le change » avec Voromahery, Lakroa, Tribune, Matin et Midi Madagascar devenu Midi Madagasikara, L’Expresss, La Gazette. Mais ces Presses écrites oscillent toujours autour d’un même thème principal : l’opposition protestant-catholique, sous couvert du manteau de la crise politique incessante.

1972 marque le début d’une ère nouvelle, avec la chute de la 1ère République, l’avènement de la 2ème République et la parution de périodiques (mensuels, hebdomadaires, etc.) comme : Réalités malgaches, Zava-misy, Rotaka (issu de la période protestataire du Mai 72) etc. Depuis lors, les journaux tisseront leurs visions du monde réel en caricaturant des scènes de vie du quotidien, en blâmant les faits « mauvais » issus de ripailles inter-politiques ou religieux, sur le peuple malagasy. Cette période du « je te montre du doigt » ou du « j’accuse » perdure encore de nos jours, avec son lot de meurtres et de cadavres dans les placards. Malgré tout, les frères Andriamanantena Célestin et Georges (ou Rado), fondent le premier journal satyrique entièrement en langue malagasy : Hehy. Ils y concilient la poésie et le journalisme, deux métiers qui sur l’île allient convenablement la tradition ancestrale de la tradition orale par un marquage intergénérationnel et mémoriel (poème) et les nouvelles technologies (périodiques, journaux, etc.). Les œuvres les plus marquantes de Rado sont multiples : hommage à la Libération de Madagasikara : Ry Fahafahana (O Liberté, 1961), en faveur des luttes estudiantines et afin de dénoncer les vices et crimes du pouvoir en place : Dia ho nisy ve ? (Cela aurait-il pu exsiter ?, 1972), Mahazo maty (Tu peux mourir, 1972), ou exprimant ses indignations morales : revendication ouverte du droit à l’Amour de la Nation malagasy, à l’Expression et à la Liberté de la Presse : Zo (Droit, 1989), Tsy maintsy mipoaka (Ça doit exploser, 2002), etc.

En 2012, avec l’influence croissante d’Internet, la Presse, comme Jeune Afrique et bien d’autres publiées en ligne, trouvent un second souffle malgré les fanampenam-bava (censures), les gadra (emprisonnements arbitraires), le famonona olona (exécution) qui persistent et qui humilient le journaliste dans l’exercice de ces fonctions. Récemment encore, les journalistes-reporters de terrain sont les cibles privilégiées des criminels anticonstitutionnels et putschistes, qui sévissent à Madagasikara. Toujours sous l’influence d’un teny-baiko venant d’ailleurs, indissociable de la vie politique malagasy, l’Homme paye de sa vie, le prix d’une Liberté tant de fois exprimée face à des dictateurs qui, depuis l’abolition de la royauté souveraine, condamnent tous successivement l’île rouge au silence. Son sol sacré est imbibé de sang et de colère, car sa dignité est foulée à terre, tant que sa Libération ne lui est pas accordée. La liberté de la Presse est une expression usitée mais non applicable dans la situation géopolitique et politico-économique de ce pays démembré de ses Dépendances et en perdition dans l’Océan Indien.

 

Shatia ANDRIAMANAMPISOA

03.05.2012

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